Introduction : CONTEXTE ET JUSTIFICATION
La région de Dosso, située au Sud-Ouest du Niger (départements de Dosso et Gaya) et le Nord Bénin (département de l’Alibori) partagent une frontière de 115 km. L’activité socio-économique de la zone, largement concentrée autour de l’agriculture, l’élevage, et l’échange de produits agro-sylvo-pastoraux, en particulier autour des marchés de Gaya et Ouna (Niger) et de Malanville (Bénin), est structurée par cette proximité de la frontière. En 2021, 87% de la population des villages frontaliers passent la frontière plusieurs fois par semaine (OIM – CNAP (Centre Nationale d’Alerte Précoce), 2022) principalement pour des transactions commerciales, et une transhumance d’environ 195 000 animaux a été enregistrée à la frontière béninoise en provenance de Dosso malgré les restrictions en vigueur mises en place en réponse à la crise COVID-19 (OIM, USDA (US Department of Agriculture), 2021).
L’explosion démographique, l’appauvrissement des terres agricoles, l’amenuisement des espaces pastoraux, la dégradation des ressources naturelles, l’occupation des espaces protégés, l’accaparement des ressources et des espaces partagés et l’accès limité aux services sociaux de base sont devenus des sujets de préoccupation des populations du Sud-Ouest du Niger et du Nord du Bénin. Ils constituent particulièrement des enjeux majeurs pour le développement des communes cibles du projet et mettent en évidence les défis auxquels il convient de faire face dans l’immédiat pour minimiser les risques de conflits pour l’accès aux ressources naturelles. La menace croissante que constitue la présence de groupes terroristes et extrémistes violents dans la zone, en particulier autour du parc du W (frontière Niger-Bénin-Burkina Faso) vient se greffer sur ce contexte déjà porteur de fragilités.
Au titre des fragilités préoccupantes, il est à retenir, au terme des conclusions de l’atelier conjoint Benin-Niger de formulation du Projet transfrontalier d’appui au renforcement de la sécurité communautaire, à la gestion et la prévention des conflits liés à la transhumance et la gestion des ressources naturelles, tenu du 26 au 28 mai 2022 :
i. Augmentation de la menace sécuritaire liée à la radicalisation, à l’extrémisme violent et au terrorisme ;
ii. Mécontentement croissant des communautés vis-à-vis de l’Etat, en particulier des acteurs du secteur de la sécurité ;
iii. La recrudescence des conflits communautaires ;
iv. L’insuffisance d’opportunités socio-économiques pour les femmes et le jeunes.
ü Augmentation de la menace sécuritaire liée à la radicalisation, à l’extrémisme violent et au terrorisme
La porosité de la frontière entre le Niger et le Bénin est propice à la prolifération du banditisme, en particulier lié aux trafics d’armes et de stupéfiants (Rapport ELVA, juin 2021 ; International Crisis Group, 2021) de part et d’autre. Plusieurs analyses (WANEP Niger 2021, analyse des conflits PBF Niger-HACP 2020) alertent sur la montée de l’insécurité dans la région de Dosso, propice à une banalisation de la violence : les cas de vols à main armée et de braquage se sont multipliés à la frontière, en lien avec l’accroissement de la circulation des armes dans la région.
La présence accrue de groupes terroristes associés à l’État Islamique (Etat Islamique au Grand Sahel, Islamic State West Africa Province, Islamic State West Africa Province 2), Al-Qaida (Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimin- JNIM) ou encore les dissidents de Boko Haram, Ansaru, est signalée dans la zone (Rapport ELVA, 2021). Cette présence active porte le risque d’une menace terroriste au Nord du Bénin, notamment dans le département de l’Alibori (attaque de Monsey, commune de Karimama le 26 avril 2022) et dans la région de Dosso, où la pression jihadiste est accentuée par le renforcement de leur ancrage dans les États de Kebbi et Sokoto du Nigéria voisin (International Crisis Group, 2021). Cette zone constitue aujourd’hui un lieu d’approvisionnement en carburant ou en vivres, car la frontière est idéalement située sur l’axe Burkina Faso-Nigéria, et ils disposent d’un abri dans le parc du W (CRU Report, juin 2021 ). Depuis mars 2021, les incidents armés et attaques impliquant des groupes extrémistes violents ont augmenté (CRU Report, juin 2021, à partir de données ACLED), ce qui marque l’accroissement de la fréquence de leur passage et de la durée de leur séjour. Des enquêtes communautaires dans la région de Dosso (Rapport ELVA, juin 2021) attestent que 50% des interrogés assistent régulièrement à des actions des groupes armes non-étatiques (GANE) dans leurs communautés. Les groupes créent des liens croissants avec les populations (collecte d’information, approvisionnement, tentatives de médiation de conflits pastoraux – CRU Report, juin 2021), et installent des bases arrière dans la zone : environ 300 combattants du JNIM ont été signalés au Nord Bénin et une cellule active de l’EIGS mène des activités de part et d’autre de la frontière (CRU Report, juin 2021). Leur présence ouverte au sein des communautés, notamment à Malanville ou Goungoun, suggère une tolérance, voire une acceptation, qui laisse craindre un enracinement plus profond.
Ce risque est sous-tendu par la montée en puissance des discours religieux radicaux, en particulier au Nord Bénin, où prêchent des groupes religieux liés à l’EIGS (mouvement Tabliqh) et à Boko Haram (Yan Izala) (CRU Report, juin 2021). Tandis qu’au niveau national, 48,5% de la population est de confession chrétienne (RGPH4, 2013), le département de l’Alibori compte 81,3% des 27,7% de musulmans du pays. Une analyse des prêches dans cette région a démontré que la montée en puissance de la religion musulmane s’y inscrit dans une claire opposition à l’État, insistant notamment sur les vecteurs d’exclusion des populations du Nord Bénin par rapport au Sud majoritairement chrétien.
Le « Projet transfrontalier d’appui au renforcement de la sécurité communautaire, à la gestion et la prévention des conflits liés à la transhumance et la gestion des ressources naturelles » met un accent particulier sur la promotion de l’égalité des sexes dans l’engagement avec les communautés frontalières, tout en prenant en compte les différents besoins et intérêts des divers groupes des femmes et jeunes filles mais aussi les intérêts en matière d’égalité des sexes des autres membres de ces communautés. Les femmes et jeunes filles sont des membres actifs des mécanismes communautaires de prévention et gestion des conflits divers : sécuritaires, liés aux importants flux de transhumance entre les deux pays, entre agriculteurs/éleveurs. Ces communautés sont aussi potentiellement victimes et/ou à risque d’être enrôlés par les différents groupes extrémistes violents actifs dans la zone, ainsi que des violences basées sur le genre etc.
De ce fait, les principales activités de ce projet contribuent i) à la promotion de l’égalité des sexes à travers le renforcement de capacités nécessaires à une meilleure implication des différents groupes des femmes et des jeunes filles dans les mécanismes de gouvernance, de prévention et de gestion des conflits communautaires (liés à la transhumance et la gestion des ressources naturelles) et sécuritaires, au niveau local, communautaire et transfrontalier ; ii) à engager les groupes des femmes et des jeunes filles dans la sensibilisation des communautés sur la problématique de la paix, la sécurité et la prévention de l’extrémisme violent, en particulier dans des zones transfrontalières et en matière de gestion concertée et inclusive des ressources naturelles; iii) à adresser le problème de la pauvreté des femmes et des jeunes filles, vecteur potentiel de vulnérabilité et de fragilité, contribuant ainsi à leur autonomisation économique afin de renforcer à la fois leur résilience aux crises et conflits multiformes auxquels fait face toute la zone tout en leur permettant de mieux s’impliquer dans les initiatives de cohésion sociale et dialogue communautaire. Les activités qui seront mises en œuvre dans le cadre de l’approche « 3×6 » y contribuent fortement, et constitueront le gage non seulement de l’autonomisation économique des populations cibles, mais également d’un rehaussement de la situation et la position sociale des femmes et des jeunes filles de la zone de projet.
Il est mis en œuvre par le PNUD et la FAO, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Paix (PBF) pour une période de 24 mois, sous le leadership de la Coordination du Système des Nations Unies (RCO), de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP-Niger) et du Ministère de l’Intérieur et de la Sécurité Publique (Bénin). Il couvre 6 communes notamment le Sud-Ouest du Niger (département de Gaya, communes de Gaya et Tanda et département de Dosso, commune de Sambéra) et le Nord – Bénin (département de l’Alibori et essentiellement les communes de Malanville, Karimama et Kandi).
2. OBJECTIFS DE LA MISSION
2.1 Objectif global
L’objectif global de cette étude est d’établir une situation de base sur le potentiel existant sur le volet sécuritaire et le volet économique et aussi de cerner la perception de la population en matière de consolidation de la paix ainsi que le rôle des mécanismes de cohésion sociale aussi bien au Niger et au Bénin que sur le plan transfrontalier.
2.2 Objectifs spécifiques
Les objectifs spécifiques sont :
- Renseigner le niveau de base des indicateurs de suivi figurant dans le cadre de résultat du document de projet ;
- Analyser les types de conflits dans les localités d’intervention du Projet et leur fréquence; Identifier les mécanismes de consolidation de la paix dans les communes cibles, leur fonctionnement et composition ;
- Apprécier le niveau de confiance des communautés envers ces mécanismes ;
- Apprécier le pourcentage de jeunes (filles et garçons) et de femmes dans les mécanismes de gestion de conflit dans chaque commune et analyser les facteurs éventuels de leur non-implication dans la gestion et prévention dans les communes cibles ;
- Apprécier la perception de la population sur l’implication des femmes et des jeunes dans les mécanismes communautaires de prévention et de gestion des conflits et dans les comités de transhumance ;
- Apprécier la perception de la population (y compris des leaders, des jeunes et des femmes) sur leur résilience face à l’extrémisme violent et la radicalisation des jeunes ;
- Apprécier la perception des communautés envers les FDS et leur degré d’interaction ;
- Apprécier le degré d’organisations des jeunes et des femmes et de leur intégration socioéconomique ;
- Identifier l’existence des plateformes d’échanges intercommunautaires et transfrontalières
- Apprécier a) le nombre d’incursions de groupes radicaux/extrémistes violents recensés au sein des communautés ; b) le nombre de conflits Agriculteurs-Eleveurs ; c) le nombre d’alertes sur les conflits entre les communautés recensés par les mécanismes communautaires existants dans les communes cibles et le long de la zone transfrontalière au cours de l’année 2023.
|